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Dans cette section, nous focaliserons notre attention sur 2 pathologies , encore mal connues chez l’enfant et chez l’adolescent, le syndrome d’apnées obstructives du sommeil et le syndrome des jambes sans repos.

Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil

Qu’est ce que le syndrome d’apnées obstructives du sommeil ?

Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est une réduction partielle (hypopnée) ou complète (apnée) de la respiration par le nez, parallèlement à une augmentation de l’effort respiratoire au niveau des poumons et du ventre. Il provoque l’arrêt ou l’allègement du sommeil.
Ces arrêts de la respiration se répètent plusieurs dizaines à plusieurs centaines de fois au cours d’une même nuit. En effet, on considère qu’une personne est atteinte de ce syndrome à partir du moment où ces apnées (ou hypopnées) dépassent 5 secondes et surviennent plus de vingt fois par heure de sommeil chez l’adulte et plus de cinq fois par heure de sommeil chez l’enfant. S’il est mal pris en charge, le SAOS peut être à l’origine d’un manque d’oxygène chronique et de complications cardiovasculaires. Le SAOS peut avoir des effets sur le développement cognitif et sur la croissance.

Quels sont les mécanismes conduisant aux apnées obstructives ?

L’organe permettant de conduire l’air dans les poumons, le pharynx, est un tube mou. Il peut facilement être écrasé par une flexion de la nuque, un mouvement vers l’arrière de la mâchoire inférieure ou par la pression négative due à l’inspiration. Il existe un équilibre entre les forces de fermeture du pharynx et les muscles permettant son ouverture. Le sommeil, surtout pendant les périodes de rêve, favorise les apnées en diminuant le tonus des muscles dilatateurs et des réflexes permettant l’ouverture du pharynx.

Quels sont les facteurs favorisant les apnées obstructives ?

Les facteurs qui conduisent aux apnées obstructives sont de natures diverses. La diminution du volume d’air inspiré par les voies aériennes peut être favorisée par de nombreuses origines anatomiques : l’augmentation du volume des amygdales et des végétations surtout chez l’enfant de 3 à 10 ans, l’obésité, les anomalies pharyngées, tissulaires ou du squelette facial dans certaines dysmorphoses et maladies rares, les rhinites allergiques… Les remontées acides de l’estomac peuvent accompagner le syndrome d’apnées par effet mécanique (œdème, sécrétion) ou par réflexe. Enfin, les facteurs neurologiques responsables de la diminution du tonus musculaire des voies aériennes (alcool, somnifères, maladies neuromusculaires) favorisent les apnées.

Est-ce que cette affection est héréditaire ?

L’observation de cas familiaux suggère la possibilité d’une influence génétique. Sur une enquête portant sur 3 990 enfants et adolescents âgés de 2 à 18 ans, il est apparu que les enfants de familles ayant un membre atteint de SAOS ont trois à quatre fois plus de chance d’en être affectés. Mais le SAOS est une maladie très complexe dont les causes ne peuvent être limitées à la seule composante familiale.

Est-ce que les garçons sont plus atteints que les filles ?

Chez l’adulte, une forte prédominance masculine suggère que les hormones mâles favorisent les apnées obstructives. En revanche, chez les enfants, ce déséquilibre n’est pas observé, le risque d’avoir une augmentation de volume des végétations et des amygdales touchent aussi bien les garçons que les filles. A l’adolescence, la prédominance masculine réapparaît.

Quelle est la fréquence de ce syndrome ?

Le SAOS toucherait environ 1 à 3% des enfants et des adolescents, avec un pic entre 2 et 6 ans, expliqué par une hypertrophie des amygdales et des végétations, très commune à cet âge. En effet, les amygdales et les végétations jouent un rôle de barrage contre les infections des voies aériennes, particulièrement fréquentes. Ces tissus augmentent de volume et empêchent l’air de bien circuler. Passée cette période, ils diminuent de volume, et la croissance normale de la gorge se poursuivant par ailleurs, le conflit tissulaire a tendance à disparaître.

Quels en sont les symptômes ?

Le diagnostic de SAOS repose sur la présence de symptômes diurnes et nocturnes. Le sommeil est perturbé par les apnées répétées et ces interruptions sont cause de somnolence dans la journée. Irritabilité, agressivité, inattention ou troubles de mémoire sont autant de conséquences directes du manque de sommeil. La personne peut se plaindre, dès le réveil, de maux de tête ou de bouche sèche. Des infections respiratoires aiguës des voies aériennes supérieures ou des problèmes chroniques d’obstruction nasale sont souvent observés chez les jeunes enfants.

Pendant la nuit, les trois signes principaux sont le ronflement, une respiration difficile et la survenue d’apnées avec reprise respiratoire bruyante. Un ronflement sonore, permanent, entendu d’une pièce à l’autre, a beaucoup de chance d’être pathologique. Il peut être signalé une respiration buccale, des sueurs abondantes, des réveils fréquents. Parfois, le sujet revêt des positions anormales : il dort la tête en hyperextension. L’énurésie est fréquente.

Quelles sont les complications d’un SAOS s’il n’est pas diagnostiqué ?

Les enfants atteints de SAOS peuvent présenter (surtout les plus jeunes enfants à partir de 2 ans – 2 ans et demi) une cassure de la courbe du poids et de la taille en raison des difficultés d’alimentation en rapport avec l’existence d’amygdales obstructives. Dans les cas extrêmes, ce syndrome peut conduire à des problèmes cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, hypertension artérielle pulmonaire).
Le SAOS peut avoir un retentissement sur les capacités d’attention et d’apprentissage. Il est six fois plus fréquent chez des enfants ayant de mauvais résultats scolaires. Même si ces derniers s’améliorent lorsque les enfants ont subi une ablation des amygdales, ces perturbations scolaires ne seraient que partiellement réversibles. Chez les adolescents de 13 à 14 ans ayant des difficultés à l’école, les antécédents de ronflement et d’ablation des amygdales sont plus fréquents. La faible qualité du sommeil pendant cette période de croissance ainsi que les épisodes répétés d’hypoxie ont été incriminés dans l’origine de ces troubles. Ces enfants ont aussi plus souvent des troubles de l’humeur (dépression, repli sur soi) et des difficultés attentionnelles.

Qu’apporte l’examen clinique de l’enfant ?

Indispensable, il permettra principalement de rechercher une augmentation du volume des amygdales et des végétations, un retard de croissance et de poids. L’examen de la gorge est important aussi chez l’enfant en surpoids qui peut bénéficier du traitement chirurgical. Il permettra aussi de dépister des anomalies dentaires ou du squelette de la face.

Comment le diagnostic peut-il être sûr ?

Le diagnostic de certitude repose sur l’ exploration polysomnographique de sommeil. Cet examen consiste à placer des capteurs sur le cuir chevelu et le corps de la personne afin d’enregistrer, pendant le sommeil, de nombreux paramètres (mouvements des yeux, mouvements respiratoires, activité du cerveau et des muscles). Les difficultés respiratoires sont surtout présentes en sommeil de rêve, dit sommeil paradoxal, prédominant en seconde partie de nuit, et plus propice aux apnées car les muscles de la gorge sont plus relâchés.

Quels peuvent être les autres diagnostics ?

Le médecin va, surtout chez les adolescents, rechercher les autres pathologies conduisant à une hypersomnie :

  • primaire comme la narcolepsie, l’hypersomnie idiopathique ;
  • secondaire (syndrome des jambes sans repos, syndrome des mouvements périodiques des jambes, des affections neurologiques, psychiatriques) ;
  • liée à des troubles du rythme des cycles du sommeil (syndrome de retard ou plus rarement d’avance de phase).

Quels sont les traitements ?

Si le syndrome d’apnées est prouvé, l’ablation des amygdales et des végétations doit être envisagée si elles sont hypertrophiées, mais aussi chez les enfants porteurs d’anomalies maxillo-faciales et chez les enfants/adolescents obèses.

Il sera bien sûr crucial de perdre du poids en cas d’obésité.

Une ventilation au masque est parfois envisagée si les difficultés respiratoires persistent après l’ablation des amygdales. Ce dispositif va insuffler de l’air sous pression dans la gorge,  via un masque nasal le plus souvent. Cela favorise l’ouverture des voies aériennes et l’élimination des apnées. Il sera toujours nécessaire de réévaluer la nécessité de ce traitement au fur et à mesure que l’enfant grandit.

Le traitement par corticoïdes locaux peut être entrepris chez l’enfant en cas de syndrome d’apnées modeste, résiduel ou non, et nécessite toujours qu’une nouvelle évaluation clinique soit réalisée après quelques semaines/mois de traitement.

Dans les rares cas où le syndrome d’apnées est en rapport avec une malformation squelettique curable, une chirurgie maxillo-faciale peut être envisagée, souvent lorsque la croissance osseuse est terminée.

Enfin, il est indispensable de privilégier une hygiène de vie correcte, en évitant les privations de sommeil ; il convient alors de  se méfier de l’alcool et des somnifères qui diminuent le tonus des muscles pharyngés.

Quelle est l’évolution à long terme ?

L’ablation des amygdales entraîne, dans la majorité des cas, la disparition de tous les symptômes et une reprise de la croissance. La persistance des apnées chez l’enfant est favorisée par l’obésité.

Cette obésité est le principal facteur favorisant des apnées à l’adolescence.

Le syndrome des jambes sans repos chez l’enfant et l’adolescent

Le syndrome des jambes sans repos

Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) chez l’enfant reste encore mal connu. Il est trop peu considéré par les pédiatres. Il se traduit par les mêmes symptômes que chez l’adulte : un besoin irrésistible de bouger les jambes, associé à des sensations inconfortables survenant au repos ou le soir. Elles sont atténuées provisoirement par la marche ou le mouvement des jambes. L’enfant peut en donner une description qui semble les rattacher à des douleurs musculaires ou osseuses. Le médecin diagnostique alors volontiers des douleurs de croissance. Sur le plan comportemental, ce syndrome peut engendrer le soir une agitation motrice, retardant l’heure du coucher et contribuant ainsi au développement d’un trouble de l’apprentissage du sommeil. L’hyperactivité peut alors masquer un SJSR à début précoce.

Les symptômes

Chez l’enfant, la plainte d’impatiences dans les jambes n’est pas systématiquement exprimée par l’enfant, ni rapportée aux parents, même dans les formes sévères. Chez les sujets particulièrement jeunes, il peut être masqué par une opposition au coucher (colères, crises de larmes, etc). L’enfant ou l’adolescent, sans évoquer la moindre plainte, peut refuser d’aller se coucher en utilisant n’importe quel prétexte, en raison du lien entre le coucher et les symptômes ressentis. Ce refus motivé peut être interprété comme une forme de désobéissance, alors qu’il s’agit simplement d’une stratégie visant à éviter l’apparition des impatiences dans les jambes. L’enfant utilisera un vocabulaire qui lui est propre pour décrire ses impatiences (« fil électrique » ou « araignée sous la peau »). L’adolescent pourra, quant à lui, faire appel à une stratégie d’évitement, en retardant son coucher (jeux interactifs, musique).

Ce syndrome est fortement ancré dans l’héritage familial. La recherche d’antécédents dans ce sens doit être systématique, non seulement face à des difficultés d’endormissement ou à un retard de coucher, mais aussi devant un réveil matinal difficile, un trouble de l’attention ou une fatigue inexpliquée.

Syndrome de jambes sans repos et syndrome de mouvements périodiques

La confusion entre ces deux syndromes est fréquente chez l’enfant. Le syndrome de mouvements périodiques est caractérisé par la présence de secousses musculaires retrouvées en séries de quatre au moins, et d’une durée de 0,5 à 5 secondes, espacées de 20 à 40 secondes. Recherché chez l’adulte présentant un trouble de la continuité du sommeil, il est plus rare chez l’enfant.

Syndrome des jambes sans repos et hyperactivité motrice

Le Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH), connu notamment en raison du symptôme d’hyperactivité, est fréquent chez l’enfant (4 à 6% en Europe). Ses critères diagnostiques sont à présent parfaitement établis. Il associe une inattention, une impulsivité et une hyperactivité motrice inadaptées à l’environnement de l’enfant. Inattentif, peu organisé et étourdi, ce dernier finit parfois par ne plus suivre en classe, ce qui le conduit à une déscolarisation prématurée.

L’agitation motrice de la journée se poursuit en général au cours de la soirée : rapportée par les parents, elle est observable pendant le sommeil au moyen des techniques d’enregistrement polysomnographique. Cette hyperactivité du soir, ou vespérale, peut aussi masquer un SJSR, car l’enfant en perpétuel mouvement n’en ressentirait pas les symptômes. Ce sont l’agitation motrice nocturne et les mouvements périodiques qui, en fragmentant le sommeil, amèneraient l’enfant et l’adolescent à se plaindre auprès de leurs  parents, de la mauvaise qualité de sommeil. Chez l’enfant ou l’adolescent « hyperactif », il semble difficile de savoir si le syndrome de mouvements périodiques est secondaire au TDAH ou bien au SJSR. Un peu plus de 30% des enfants hyperactifs rempliraient l’ensemble des critères diagnostiques du SJSR et environ 20% des enfants présentant un SJSR répondraient aux critères diagnostiques du TDAH.

Le syndrome des jambes sans repos est rare chez l’enfant mais les études soulignent plusieurs points importants. Chez les jeunes patients présentant un TDAH, la proportion de SJSR est beaucoup plus élevée. Il est donc difficile de savoir si le SJSR (associé ou non au syndrome de mouvements périodiques) est un révélateur ou une conséquence de la sévérité d’un TDAH. Le diagnostic de SJSR chez l’enfant ou l’adolescent doit donc, dans tous les cas, être conduit parallèlement à la recherche d’un éventuel TDAH.

Quelles en sont les origines ?

Les origines du SJSR sont encore peu connues. Il peut être associé à une carence en fer dont l’influence sur le sommeil a été démontrée depuis 50 ans, à la prise d’antidépresseurs ou de neuroleptiques. Dans la plupart des cas le SJSR est idiopathique, c’est-à-dire sans origine ou cause extérieure. Son origine est probablement génétique et liée à une dysfonction de la production de dopamine dans le cerveau. Si les traitements restent assez actifs sur les symptômes moteurs diurnes (agitation motrice, impulsivité…) en améliorant l’attention, ils sont par contre peu efficaces sur les symptômes survenant durant la nuit.

Quels sont les traitements ?

Certaines études sont en cours concernant les cas touchant des adolescents, mais aucune recherche n’est prévue concernant le syndrome touchant les enfants. Certains aspects sont sujets à discussion et il n’existe, pour l’heure, ni consensus ni traitement autorisé. Cependant, les études portant sur les agents de dopamine avaient déjà été lancées chez l’enfant. Ces perspectives de recherche sur le traitement par les « agonistes dopaminergiques » (substance qui vient se fixer sur les récepteurs du cerveau, également utilisée dans les traitements anti-parkinsoniens) semblent prometteuses. Ces cas ont fait l’objet de publications et devraient encourager une recherche clinique internationale.

Pour résumer

Les symptômes du SJSR chez l’enfant et l’adolescent sont assez proches de ceux retrouvés chez les adultes. Ils sont confondus avec des douleurs de croissance ou un Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité. La recherche de causes, et en particulier d’une carence en fer, permet au médecin non spécialiste de conduire les premiers diagnostics. Le SJSR d’origine familiale reste la forme la plus évidente à identifier chez l’enfant. Les traitements actuels, y compris ceux corrigeant les SJSR secondaires, sont en cours d’études. Ces derniers devraient non seulement aider le clinicien dans sa pratique clinique et thérapeutique, mais surtout nous amener à mieux prendre en compte ce syndrome chez les jeunes patients.