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Un environnement propice au sommeil

Entre le début de la scolarisation et l’adolescence, les habitudes de sommeil se libèrent du contrôle parental et acquièrent toute leur autonomie. Chez le petit enfant, ce sont les parents qui décident s’il est l’heure de dormir. L’enfant peut très bien ressentir l’envie de dormir mais refuser d’aller se coucher pour diverses raisons (plaisir de rester avec ses parents, peur du noir, cauchemars). Les parents sont là pour que l’enfant respecte ses besoins de sommeil.

Cependant, comme pour toute règle, il y a des exceptions. Ainsi, à l’occasion d’une fête familiale, l’enfant a tout autant besoin que les autres de participer à ce moment d’échanges et si, pour une fois, il se couche nettement plus tard, ce n’est pas grave ! Après l’âge de 10 ans, l’enfant peut gérer son sommeil tout seul. Ses parents doivent néanmoins être présents pour lui rappeler, s’il a envie de rester debout malgré la fatigue, qu’il est l’heure de se coucher. À l’adolescence, les parents auront beaucoup plus de mal à se faire entendre, mais des études ont montré que les consignes parentales étaient quand même entendues ! Plus le respect d’un bon sommeil et de ses règles aura été inculqué en amont, plus le jeune trouvera lui même ses limites et les respectera.

Les habitudes liées au sommeil varient fortement. Or, le cas de familles avec des parents séparés est de plus en plus fréquent. En 2003, selon l’INSEE, 1,6 million d’enfants vivaient dans une famille recomposée. Ce schéma entraîne une forme d’instabilité dans les habitudes de sommeil de l’enfant qui pourra lui être préjudiciable : alternance des gardes du père ou de la mère, changements fréquents d’endroits, de repères, d’horaires, et parfois même de consignes par rapport à ses horaires de coucher ou de lever. Pour les plus jeunes, certaines oppositions au coucher sont liées au fait que l’enfant a envie de voir ses parents qui rentrent tard du travail. La sieste des plus petits est parfois vécue comme gênante pour les parents, car elle entraîne une restriction dans leurs possibilités d’activités. Il n’est donc pas toujours facile de respecter les rythmes de chacun et des concessions sont à trouver.

La régularité des horaires et des rituels permet à l’enfant d’anticiper sans anxiété ce qui va se passer pour lui. Dans le cas contraire, ces variations nécessitent une adaptation constante. Certains pré-adolescents ou adolescents ont un sommeil qui se déstructure ou se décale. Couchers tardifs, levers difficiles et somnolence à l’école peuvent finalement en résulter.

Un lieu calme et dédié au sommeil

Les conditions et l’organisation du logement interfèrent fortement sur la qualité du sommeil. Celui-ci est plus serein, plus profond, moins entrecoupé, et donc plus reposant lorsque ces conditions sont optimum. Ainsi, des éléments comme la pénombre, la température et le silence favorisent l’endormissement et son maintien. Cependant, pour certains enfants, le noir ou le silence les renvoient à une angoisse de séparation. Ils ont besoin d’un environnement qui les rassure. De petits moyens sont ainsi fort utiles comme une porte entrouverte, une veilleuse ou une lampe de chevet que l’enfant peut facilement allumer sans danger, dotées d’une luminosité suffisamment légère pour marquer la séparation entre le jour et la nuit. Les mobiles musicaux ou, plus tard, les lecteurs de musique, apportent également un environnement sonore rassurant qui prolonge le rituel du coucher. Les besoins et les rythmes de sommeil sont très différents en fonction des âges et d’un individu à l’autre, y compris au sein d’une même fratrie. Partager une chambre à plusieurs peut donc poser problème, en particulier lorsque  les enfants grandissent et qu’il y a un adolescent.

Dormir dans une chambre séparée de celle des parents est une coutume relativement récente dans les sociétés occidentales, et qui tranche par rapport à celle du co-dodo. Aujourd’hui quasiment disparue, elle perdure dans les familles pour lesquelles les conditions de logement ne laissent pas le choix d’une chambre individuelle. Le débat persiste entre détracteurs et partisans de cette pratique,  sans résultat véritablement probant en faveur d’un camp ou d’un autre. Les psychologues évoquent chez l’enfant le risque de mobilisation de désirs incestueux qui vont nuire à son développement psychique. Dans la mesure du possible, il est donc recommandé de dormir séparément, même si la décision adoptée par chaque famille est importante et doit dès lors être appréhendée au cas par cas, en prenant en compte avant tout l’intérêt de l’enfant.

Les rituels du coucher

Ce sont toutes les habitudes qui sont reproduites immuablement tous les soirs au moment du coucher, selon une séquence et un ordre très précis. Ils ont pour fonction de sécuriser l’enfant à ce moment particulier du passage de l’éveil au sommeil. La petite histoire ou le câlin, assortis d’objets rassurants (doudous, peluches), sont les étapes nécessaires pour préparer l’enfant au sommeil. C’est aussi un passage angoissant qui doit, par conséquent,  être rassurant et suffisamment long afin que l’enfant se détende, sans tomber dans l’excès inverse qui consisterait, pour l’enfant, à rallonger ce moment agréable avec ses parents et refuser de les voir partir.

Ces rituels évoluent avec l’âge. Plus l’enfant est âgé, moins son coucher nécessite la présence d’un parent. La petite histoire cède la place à la lecture, le mobile musical au lecteur numérique. Chez les préadolescents ou les adolescents, l’irruption dans le lit de tous les appareils électroniques dont notre époque a le secret, peut provoquer un effet inverse à celui recherché en augmentant au contraire les processus d’éveil.

Portable, télé et ordinateur : les faux amis du sommeil

L’ordinateur, les jeux sur console ou sur ordinateur, l’utilisation d’Internet et du téléphone mobile sont associés à des éveils et à un sommeil de médiocre qualité. Le rôle néfaste d’internet et des médias électroniques est bien documenté avec une corrélation négative forte entre le temps passé sur ce type d’activité et le temps de sommeil. La dégradation de la qualité du sommeil par l’usage des médias sociaux serait associée à plus d’anxiété, de dépression et de mauvaise estime de soi. Les téléphones sont également bien identifiés comme facteurs perturbant le sommeil avec une utilisation fréquente après l’extinction des lumières associée à une fatigue diurne.

Les enfants qui regardent la télé deux heures par jour pendant les jours de semaine et le week-end, ont un coucher plus tardif, une durée de sommeil diminuée et un lever plus tardif le week-end. Plus l’utilisation est importante (nombre de jours, nombre d’heures passées, type de média utilisé : télévision seule ou associée à un ordinateur, une console, ou autre), plus le retentissement est important.Les enfants qui regardent la télévision plus de trois heures par jour pendant l’adolescence ont un risque plus élevé d’avoir des troubles du sommeil à l’âge adulte. Mais actuellement les adolescents ne regardent pratiquement plus la télé, ils regardent des rediffusions, séries, actualités, de préférence sur leur portable. La télévision est un média qui est encore beaucoup utilisé par les petits et jusqu’en fin de primaire. Ainsi aux USA, une enquête montre que les enfants de moins de 1 an regardent la télé 0,9 heures par jour, ceux de 1 à 2 ans 1,6 heure par jour, et ceux de 2 à 3 ans, 2,3 heures par jour. Plus les enfants regardent la télé, plus leurs horaires de sieste et de coucher sont irréguliers, ce qui n’améliore pas la qualité globale de leur sommeil.

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer les mécanismes par lesquels ces médias peuvent entraîner des troubles du sommeil. Tout d’abord, ces activités ne sont pas structurées dans le temps. Sans début et sans fin clairement définis, le jeune n’est pas à l’écoute de son sommeil et laisse passer tous les signaux qui devraient le conduire à se coucher. Ensuite, elles prennent beaucoup de temps et favorisent la sédentarité, elle-même connue pour déstructurer le sommeil.

Par ailleurs, l’exposition à la lumière liée à l’écran, juste avant le sommeil, affecte le rythme veille/sommeil en modifiant la sécrétion de mélatonine (davantage pour les écrans d’ordinateur, de portable et des tablettes que pour la télévision qui est habituellement regardée sur un écran éloigné). La lumière agit directement en augmentant le niveau d’activité et d’éveil et retarde l’endormissement. Enfin, les programmes de télévision ou de certains jeux excessivement violents ou stimulants peuvent, en eux-mêmes, entraîner des tensions, augmenter l’anxiété qui génère à son tour des difficultés d’endormissement.

Le temps passé devant des écrans augmente de façon inquiétante : près de 10 heures  en 2017 (enquête de AsnaV – OpinionWay)

Environnement scolaire

Le rythme de chacun influe sur celui de la vie familiale et vice-versa. L’enfant est soumis à deux systèmes de contrainte interdépendants : le rythme de travail et/ou de vie de ses parents, et son rythme scolaire (ou de garde). Ainsi, si les obligations professionnelles des parents sont importantes, l’enfant risque davantage de se voir embarqué dans  des systèmes de garde intermédiaire pour être conduit à l’école aux heures d’ouverture ou être déposé à l’accueil du matin dès 7h30. De même que  le soir lorsque les parents rentrent rarement avant 19h ou 19h30, les enfants bénéficient de l’accueil de l’école ou d’un passage par une assistante maternelle jusqu’à l’arrivée des parents.

Dans les zones rurales, les élèves qui utilisent les transports scolaires partent tôt du domicile familial (7h30-7h45) pour arriver vers 8h15 à l’école. Ils sont parfois présents dans l’établissement sur une plage horaire de neuf heures consécutives. Ils reprennent les transports à 17h30 et rentrent chez eux entre 18h et 18h30.

Ces journées lourdes et le lever tôt s’accompagnent toujours d’une privation de sommeil dont les effets néfastes vont se ressentir sur l’apprentissage et la mémorisation. Si cette privation est importante, l’enfant aura tendance à dormir plus longtemps et plus tard les jours de repos et les week-ends. Ceci est particulièrement vrai pour les adolescents qui se décalent parfois très tardivement en fin de semaine. Ce décalage de rythme et de durée de sommeil entre les jours d’école et les jours de repos est très néfaste pour l’organisme qui fonctionne par à-coups pour maintenir une physiologie normale. Il en résulte une fatigue accrue, une baisse de concentration et des troubles du sommeil. Ceci explique qu’après une période courte de repos (moins d’une semaine), l’enfant peut paradoxalement paraître plus épuisé à la reprise des cours.

L’organisation des rythmes scolaires, objet de nombreuses discussions au sein du Ministère de l’Éducation nationale et des associations de parents d’élèves, est confrontée à cette réalité physiologique. La semaine de 35 heures et les RTT font que les familles pourraient bénéficier de « longs week-ends » alors que les chronobiologistes défendent l’idée qu’il faut répartir la charge de travail le plus régulièrement possible et donc éviter la semaine d’école de 4 jours.